Gay Christian, Genermont Jean-Alain, Vivre avec des hauts et des bas
« Vivre avec des hauts et des bas » (1)
Christian Gay, Jean-Alain Génermont
Probablement l’ouvrage d’explication de la PMD, le plus abouti, le plus complet et le plus humain.
" La pression de mon entourage familial, ma culpabilité, le besoin de relever un défi, me firent passer outre les conseils du Dr S. sur l'opportunté de la reprise de mes activités professionnelles. Je fus encore hospitalisé."
Les auteurs
J’ai rencontré Jean-Alain Génermont, lors d’un congrès, peu après la publication de l’ouvrage. Ce fut une belle rencontre. Nous avions en commun notre refus de l’isolement en routine et du recours un peu trop systématique à l’hospitalisation sous contrainte. Bien qu’il n’en parle pas ou quasiment pas dans l’ouvrage, Jean-Alain, comme beaucoup de patients, a été profondément marqué par ses séjours en chambre d’isolement. Nous avons devisé ainsi une petite heure, en nous échauffant progressivement. Il s’est interrompu brusquement en me disant : « Il faut que j’arrête-là. Je dois éviter les émotions trop fortes. Je vais y repenser et peut-être ne pas dormir. » J’ai été ébahi. C’était la première fois que je voyais un usager de psychiatrie appliquer ainsi des règles d’hygiène de vie destinées à prévenir la rechute. Inutile de vous dire que son exemple ne cesse de m’inspirer.
Christian Gay est psychiatre, responsable d’une consultation des troubles bipolaires à l’hôpital Sainte Anne. C’est après avoir lu un de ses ouvrages que Jean-Alain décide de se rendre avec sa femme aux conférences d’information qu’il organise qu’ils vont suivre tous deux fidèlement.
" Le patient doit pouvoir identifier le psychiatre "idéal", qui présente certaines qualités plus ou moins évidentes. Dès le premier entretien, il est possible de se faire une idée de ses compétences par le choix des questions qu'il pose : Quels sont vos antécédents médicaux ? Comment s'est déroulé le premier épisode ? Quels ont été les facteurs déclenchants ? Quelle est la fréquence des épisodes ? Quels traitements avez-vous suivis ?"
L’ouvrage
Son principal objectif est de faciliter l’acceptation du trouble, de faire comprendre les buts du traitement, et ainsi d’optimiser les résultats thérapeutiques. « Il est nécessaire que le patient devienne un véritable expert de sa maladie, qu’il soit un acteur dans les choix thérapeutiques. » (1)
L’ouvrage débute par un premier chapitre, intitulé : « Sept ans de malheur » rédigé par Jean-Alain qui raconte sa maladie, son déclenchement, la première crise et ses différentes rechutes. Il y décrit aussi la vie de sa famille au rythme des crises. Christian Gay intervient en fin de chapitre pour donner des repères aux lecteurs. D’emblée, on est séduit. Le récit de la maladie en première personne fonctionne. Les interventions de Gay, discours en troisième personne, ponctuent parfaitement les propos. Le deuxième chapitre « Dr Jekyll et Mr Hide » décrit les deux phases de la maladie selon le même principe : d’abord le témoignage vécu puis l’analyse du psychiatre. Chaque discours enrichit l’autre. Le discours du psychiatre gagne en humanité, le témoignage de Génermont n’est pas un simple témoignage, Il réfléchit sur sa maladie, il est en recherche afin de mieux la comprendre, afin de mieux se comprendre.
Le troisième chapitre « Vivre sa maladie au quotidien » s’intéresse non seulement au choix du psychiatre et du psychothérapeute, au rôle du médecin de famille, au dossier médical mais également à la vie professionnelle, sentimentale, sexuelle et sociale de la personne qui souffre d’une PMD. Le quatrième chapitre aborde la question du traitement et de l’hygiène de vie autour de quatre paragraphes : le sommeil, les rythmes du quotidien, le surmenage et les excitants. Le psychiatre intervient davantage, le patient racontant son rapport au traitement : les prises quotidiennes, les conséquences de la prise du traitement sur la personnalité. Dans le chapitre cinq « Aux prises avec la loi » le psychiatre insiste sur la nécessité d’un diagnostic précoce et rapporte deux histoires cliniques de patients, dont l’un a été emprisonné trente ans sans que son trouble bipolaire, en partie responsable de ses actes, ne soit détecté. L’ouvrage s’achève, après avoir abordé la question de l’hospitalisation sous contrainte et des mesures de protection des biens.
Cette rencontre entre le psychiatre et l’ancien enseignant, aujourd’hui en invalidité, est une vraie rencontre. Christian Gay n’a jamais soigné Jean-Alain qui a, seulement assisté à ses conférences et y a puisé une connaissance plus profonde de sa maladie. Christian Gay, lui aussi a mûri : « Un certain intérêt pour la psychiatrie biologique m’avait au début des années 1980, conduit à sous-estimer l’impact de ces facteurs, et donc à limiter la place des psychothérapies dans la prise en charge des patients bipolaires. Cette position radicale et réductionniste m’effraie avec la distance, au même titre que les discours de certains soignants qui rejettent en bloc la dimension biologique de la maladie et de l’aide procurée par les médications. » (1)
Cet ouvrage est aussi l’histoire d’une amitié née de la conviction partagée de la nécessité d’une information sur la maladie.
Du côté de la pratique
Ecrire avec un patient peut être une belle expérience. Je me souviens de Françoise, de son exigeance de précision pour décrire ce que ça faisait de l'intérieur de souffrir de schizophrénie. "Vous comprenez Dominique, on ne peut pas écrire n'importe quoi, on va être lu par des personnes qui savent ce que c'est d'entendre des voix, de voir des choses bizarres sur les murs. Pour vous c'est plus facile, vous avez le savoir médical. Pour moi c'est plus compliqué, personne ou presque n'a écrit sur ce qu'il ressent avec sa maladie." A l'époque où nous avions ce projet personne encore ne paralit d'éducation thérapeutique. Nous étions, à notre niveau, des pionniers. "Vous croyez que je peux écrire que je comprenais le langage des oiseaux, c'est un peu énorme ça, non ? On ne va pas me croire. "
Apport de cette lecture aux soignant(e)s
Cet ouvrage pourrait être dans chaque bibliothèque d’IFSI. Chaque fois que les troubles bipolaires sont abordés en cours, des extraits de cet ouvrage pourraient être lus. C'est une façon intelligente et respectueuse de faire de l'éducation thérapeutique. Le savoir des pairs est toujours plus audible que celui des professionnels. Les étudiants et les infirmiers feront le constat, amer, que les infirmiers n’apparaissent pas dans cet ouvrage. Jean-Alain ne mentionne qu’un infirmier, brutal. Pas une visite à domicile, aucun entretien au CMP. Il nous appartient de nous interroger sur ce silence et de nous demander à quoi nous servons.
Les groupes psycho-éducatifs animés par les soignants s’enrichiraient, à tout coup, de la lecture collective d’extraits de l’ouvrage. Le témoignage des pairs parle toujours mieux que le discours des soignants.
Dominique Friard
Notes :
1- GAY C., GENERMONT J.A, Vivre avec des hauts et des bas. Un psy et un patient racontent. Hachette Littératures, Paris, 2003.
Date de dernière mise à jour : 07/06/2020
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