Approches cliniques
Approches cliniques
Pour le Petit Robert, la clinique est l’ensemble des données obtenues par l’observation directe des malades. Le mot “ clinique ” vient de clinicus latinisation du grec klinikos dérivé de klinê (le lit mais aussi la salle des malades). Tout cela est issu de la racine indo-européenne klei incliner, pencher. Le klinikos était le médecin qui se donnait la peine de se pencher au chevet du malade par opposition à l’empereikos qui se prévalait de son expérience pour donner ses conseils à distance. Définir la notion de clinique à partir de cette notion de proximité du patient n’apparaît pas aberrant. Les différents professionnels du soin se définissent par leur degré de proximité auprès du patient, par la qualité de leur présence. La clinique telle que nous l'entendons à serpsy associe Klinikos et Empereikos. Proximité physique et psychique et le suffisamment de distance pour pouvoir la penser et en repérer les effets transférentiels et contre-transférentiels.
Différents corps de métier interviennent dans la clinique, selon les institutions. La clinique ne peut être que plurielle. Chacun y apporte sa quote-part. D'anciens patients y apportent également leur contribution via les médiateurs de santé et/ou les pairs-aidants. La clinique interroge donc également la dimension du collectif avec ses rapports de pouvoir, les alliances et les pactes qui le constituent.
Ces différent éléments se retrouveront dans cette rubrique qui s'ouvrira sur des nombreuses sous-catégories.
Catégories
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Corps & Psychisme
En psychiatrie, on a tendance à mettre en avant le tout psychique, la pensée comme si la souffrance psychique n’avait pas de corps, ne pouvait prendre corps. Pourtant le corps se manifeste à nous d’emblée : le regard (quelquefois fou, vide), les odeurs, les mouvements corporels, mécaniques, figés, désordonnés. Que fait-on de ces éléments bruts qui nous sidèrent ? Que fait-on pour rendre une rencontre possible ? Comment s’y prend-on pour qu’émerge une parole qui nous engage ? Comment penser ce travail de liaison ? Qu’en écrire ? Qu’est-ce que cette rencontre première provoque en nous ? Fascination, sidération, débordement, peur ? Comment ces éprouvés bruts qui agitent nos corps nous lient au patient au plus près de sa problématique, de ses abîmes (abysses) ? Comment font-ils écho aux nôtres ?
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Contenir
Qu’un même terme décrive le sanglage d’un patient, la prise d’un traitement sédatif contre son gré ou non, l’isolement, un massage, une activité conte, une séance de punching-ball dans la salle de musculation, un match de foot, une promenade dans le parc de l’hôpital ou un entretien de recadrage ne peut que nous interroger.
Il s’agit dans tous les cas de contenir un patient. On peut certes distinguer les contentions qui vont de soi et celles qui ne vont pas de soi, celles qui suscitent culpabilité et ambivalence chez les soignants et celles dont on peut parler, sur lesquelles on peut communiquer. Le risque est de donner à penser qu’existerait ainsi un continuum qui irait du plus consensuel au plus conflictuel, du plus légitime au plus controversé. On passerait insensiblement selon les aléas de la prise en charge du service portes fermées à l’isolement et de l’isolement aux sangles, l’échec des mesures de contention « vénielles » amenant à une escalade coercitive. Il n’y aurait pas de différence de nature uniquement des différences de degré.
Accompagner un patient taper dans un sac de sable pour l’amener à réguler son agressivité n’est pas la même chose qu’attacher ce même patient. C’est une évidence qu’il faut sans cesse rappeler. Dans le premier cas, le patient est un sujet, dans le second il deviendrait objet de soins, totalement dépendant des soignants quelle que soit leur sollicitude et leur disponibilité. Attacher quelqu’un est un acte grave. Mesure d’exception répondant à une violence exceptionnelle cette forme extrême de limite n’a pas à s’inscrire d’emblée dans un continuum. Est-ce précisément parce qu’ils n’arrivent pas ou plus à être contenants que les soignants vont isoler ou attacher le patient ? Le terme de contention nourrit une confusion entre notre capacité à accueillir les contenus psychiques délétères du patient, à les retraiter et à les lui renvoyer dans une forme acceptable par lui et notre incapacité conjoncturelle à faire ce travail de pensée qui nous amène à le contenir mécaniquement, réalisant au fond dans la réalité ce qui l’effraie.
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Les activités dites de médiation
Existe-t-il un groupe, demande le psychanalyste René Kaës, qui quel que soit son statut (thérapeutique, formatif ou « naturel ») ne soit pas de médiation ? « Tout groupe, poursuit-il, peut être considéré sous l’angle où il est le moyen et le lieu d’un travail psychique qui fabrique des médiations entre les espaces psychiques, entre les objets, les processus et les formations qu’il contient. » Lorsque le terme de médiation apparaît à propos d’un groupe, il qualifie la plupart du temps une technique destinée à mobiliser explicitement des processus psychiques, des moyens ordonnés à une finalité. Dans ce cas mettre en œuvre une médiation consiste à choisir et à utiliser un objet ou une activité comme un moyen par l’intermédiaire duquel il est possible d’obtenir un certain effet de travail psychique chez les personnes qui y participent, ou pour établir entre elles un certain type de relation. Parmi les objets possibles on citera dessin, modelage, jeu, sports, psychodrame, conte, revue de presse, activité d’écriture, photographie, théâtre, etc., la liste est quasi-infinie qu’elle décrive des objets relevant de la sphère artistique ou non. Le recours à ces médiations s’effectue souvent là où la parole s’avère insuffisamment disponible pour ses membres, et spécialement lorsque plusieurs modalités d’expression (le corps, la sensorialité, le geste) sont mobilisables dans leurs rapports avec la parole, celle-ci restant la visée suprême de la médiation.
Il s'agit ici d'explorer l'infinie diversité des objets de médiation et de penser leur utilisation clinique
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Schizophrenia
S'il suffisait de changer le nom pour modifier la chose, tout serait tellement simple. Il n'en existe pas moins un mouvement qui prétend modifier les représentations sociales de la schizophrénie en en changeant le nom. Le terme de trouble de l'intégration, sur le modèle japonais, a même été proposé. Outre que les représentations de la folie au Japon n'ont rien à voir avec celles de l'Occident chrétien, il n'a pas été repéré que lorsque la schizophrénie se nommait "démence précoce" elle était mieux acceptée socialement. Il y a toujours eu des tensions sur cette appellation. Jean Garrabé, dans son Histoire de la schizophrénie, prophétisait que la notion de schizophrénie, telle que nous la connaissions dans les années 80, n'existerait plus en 2000. Il est vrai qu'à ce diagnostic s'associe des représentations extrêmement péjoratives dans la société et parfois chez ceux qui en souffrent eux-mêmes. Ils seraient dangereux. Il convient de ne pas confondre, comme l'écrit W. Hesbeen la maladie que l'on a et le malade que l'on est. Il existe autant de manières de souffrir de la schizophrénie que de personnes qui en sont atteintes. S'il est nécessaire de classifier, ne serait-ce que parce qu'à la maladie correspondent des symptômes et des mécanismes de défense précis, cette classification ne doit pas enfermer celui qui en souffre. Il a des ressources, des capacités à vivre avec, à transcender ses troubles et à trouver une place dans la société et à l'enrichir.
Pour décaler la maladie que l'on de la personne que l'on est, nous avons choisi de nommer cette rubrique Schizophrenia, comme une autre planète, à l'invitation de Paul Fléchaire, un jeune infirmier de Montfavet qui écrivit une nouvelle de sciences fiction tout en décrivant la clinique de la personne qu'il présentait lors d'une séance de Consolidation des Savoirs.