Chambon Olivier, Marie-Cardine Michel, La réadaptation sociale des psychotiques chroniques
La réadaptation sociale des psychotiques chroniques
Approche cognitivo-comportementale
Olivier Chambon, Michel Marie-Cardine
Un des tous premiers ouvrages publiés en France sur les habiletés sociales. Entre le manuel et le guide pratique.
« En France, la notion de réadaptation sociale du malade psychiatrique s’est développée parallèlement à la mise en œuvre de divers courant (Sivadon, 1965 ; Guyotat et coll., 1970) comme ceux de la psychothérapie institutionnelle, les structures intermédiaires, la désinstitutionalisation et la politique de secteur (Dubuis, 1991). La politique de sectorisation a permis une désinstitutionalisation moins brutale que dans certains pays (Etats-Unis, Italie), accompagnée dès le départ d’une préoccupation pour la réinsertion sociale du malade mental. » (p.7)
Les auteurs
Il serait assez simple d’écrire qu’Olivier Chambon est psychiatre, ex-assistant du Pr Marie-Cardine. Membre de l’Association française de thérapie comportementale et cognitive et de l’Association Mondiale pour la réadaptation psychosociale. Il faudrait préciser qu’il a bénéficié de la bourse Lavoisier qui lui a permis de réaliser un stage chez les Prs Liberman et Goldstein (à Los-Angeles). Quant à Michel Marie-Cardine, j’écrirais qu’il était professeur des Universités et psychiatre des hôpitaux (médecin-chef de l’un des services hospitalo-universitaires du CHSP « Le Vinatier » à Bron). Ils ont créé, tous deux, le premier diplôme universitaire de « psychothérapie intégrative et éclectique » à l’université Claude-Bernard à Lyon. Ce ne sont pas de simples suppôts du cognitivo-comportementalisme tels que ceux qui sévissent le plus souvent aujourd’hui. Ils ne font pas preuve de la même malhonnêteté intellectuelle que leurs successeurs qui évitent soigneusement de citer les travaux de leurs prédécesseurs qui appartiennent à un courant de pensée différent du leur. Leurs écrits en perdent toute valeur scientifique. Aujourd’hui Chambon travaille sur les états modifiés de conscience (hypnose, EMDR, voyages chamaniques, etc.). Quant à Marie-Cardine, il est mort le 26 juillet 2019, à 83 ans.
Mon ami Serge Rouvière est un des infirmiers psychiatriques français les plus versés dans l’approche psycho-éducative. Formateur, il a rédigé de nombreux écrits sur le sujet. Nous nous sommes rencontrés autour de la rédaction d’un fascicule de ce qui ne se nommait pas encore éducation thérapeutique. Bien que nous référant à des approches différentes, nous sommes devenus, petit à petit, amis. Nous avions jumelés, lui son hôpital de jour lyonnais, et moi mon centre de santé mentale gapençais. Nos patients se sont rencontrés et ont partagé quelques aventures communes. Un jour de passage à la maison, Serge m’a raconté ses débuts d’infirmiers dans le service de Marie-Cardine. Il avait été initié à l’approche psychoéducative par Olivier Chambon, il m’a raconté la sorte d’homme qu’il était, à l’époque. Non pas quelqu’un à la pensée étroite mais au contraire, un psychiatre curieux de ce qui se faisait dans sa discipline, n’hésitant pas à chercher dans la littérature anglo-saxonne pour s’en inspirer. Il ne tournait pas pour cela le dos au courant psychodynamique, ni à l’approche systémique. Quant à Marie-Cardine, m’a raconté Serge, c’était un psychiatre, proche des équipes infirmières. Quand un patient s’agitait, quand il pouvait devenir nécessaire de lui faire une injection contre son gré, voire de la conduire en chambre d’isolement Marie-Cardine était le premier dans sa chambre. Serge me l’a décrit comme un petit homme. Il se nommait avec tous ses titres universitaires et expliquait au patient ce qui risquait de lui arriver et pourquoi. Bien souvent m’a dit Serge, cela suffisait à apaiser la situation. Et si ça ne fonctionnait pas, Marie-Cardine, tout professeur qu’il était, participait à la contention du patient et l’accompagnait si nécessaire, avec les infirmiers dans sa chambre d’isolement. Les infirmiers s’inquiétaient parfois de sa témérité mais ils se seraient fait couper en deux pour lui. Quels que soient leur idéologie, de tels psychiatres se font de plus en plus rares.
« Les thérapies comportementales souffrent en France notamment, d’avoir été introduites dans un climat de lutte idéologique stérile et, en tout cas, peu scientifique qui doit être dépassé. Il existe d’ailleurs déjà peut-être des points d’articulation possibles. Sous la direction de J. Guyotat d’abord, dans notre équipe par la suite, P. Dubor (1971) a montré l’importance du recours à l’agir interprétatif et d’une dialectique de la parole et de l’acte dans le traitement psychothérapique d’inspiration psychanalytique de ces malades, plus récemment codifié et dénommé « Gestion groupe de la psychose » où intervient aussi la notion de prise en charge groupale par l’équipe soignante (P. Dubor, 1979). » (p.105)
L’ouvrage
Ce petit ouvrage d’une centaine de pages se veut surtout un outil pratique. Il est divisé en trois chapitres :
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L’évaluation des habiletés sociales : contenu et contexte ;
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L’entraînement aux habiletés sociales : méthodes et techniques
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La thérapie familiale comportementale : concepts, méthodes et résultats
« Il est clair, écrivent nos deux auteurs, que notre focalisation sur les méthodes cognitivo-comportementales ne signifie pas à nos yeux qu’elles soient les seules valables ni qu’elles soient supérieures aux autres méthodes. Elles ont simplement un rôle spécifique et complémentaire à jouer parmi l’ensemble des théories et pratiques de soin que tout programme de réadaptation doit, par nécessité, utiliser et intégrer. »
Ils redéfinissent au passage le rôle du psychiatre public qui « se caractérise par la synthèse qu’il doit réaliser des différentes théories qu’il utilise et des différentes applications pratiques qui en dérivent. Le psychiatre de secteur est en effet appelé à assumer de multiples fonctions partielles du fait de la variété des situations, pathologies et institutions qu’il rencontre. »
Les habiletés sociales décrivent l’ensemble des comportements et activités qui permettent à un sujet de communiquer ses émotions et besoins de façon adéquate et d’atteindre les objectifs matériels et relationnels qu’il s’est fixé. Les habiletés sociales peuvent être de deux types : instrumentales et relationnelles. Les habiletés instrumentales permettent à la personne d’accroître son autonomie, d’obtenir des bénéfices matériels (argent, logement, possessions matérielles, etc.). Les habiletés relationnelles permettent à l’individu de se faire des amis, de les conserver autant que faire se peut, d’entretenir des relations intimes, d’obtenir un soutien émotionnel, de s’engager dans des échanges réciproques enrichissant avec les proches qu’il s’est choisi.
Les auteurs montrent qu’il est possible de s’entraîner pour améliorer ces différentes habiletés et proposent des méthodes d’entraînement. Ces méthodes qui se déclinent en modules qui peuvent être simples ou complexes, n’invalident en rien les théories relatives au groupe, ni les éléments de transfert qui s’expriment dans ces groupes comme dans n’importe quel groupe. Le transfert dissocié vaut pour ces situations aussi et doit être pensé par les soignants.
Du côté de la pratique
Le soignant, mobilisé par les habiletés sociales, n’accueille pas un patient de la même façon qu’un soignant qui ne s’en soucie pas. Il sait, par exemple, que la contention et l’isolement ont un coût cognitif considérable pour le patient, il fait donc en sorte de ne les utiliser qu’en tout dernier recours. Lorsqu’il propose un entretien d’accueil, il ne se focalise pas sur les seuls éléments pathologiques, tout ce qui confirme que le patient est bien malade et qu’on a bien fait de l’hospitaliser mais il prend en compte et identifie, avec le patient ses ressources, tout ce qui pourrait faire qu’il n’aurait pas forcément besoin d’être hospitalisé contre son gré. Ainsi, tel tee-shirt montrant qu’il est fan de tel groupe de hard-rock, l’existence d’un agenda et de rendez-vous programmés sont tout autant des supports pour la prise en charge que le fait d’habiletés sociales moins touchées par la maladie.
Apport de cette lecture aux soignant(e)s
L’ouvrage, très pratique, fournit au soignant des outils pour favoriser la réadaptation sociale des patients hospitalisés. Il n’en propose pas une théorie qui reste à élaborer. Le jeune infirmier, s’il en comprend l’esprit et ne se cantonne pas à un approche, par trop rigide, qu’il appliquerait comme une recette de cuisine pourra s’il les interroge cheminer avec les patients.
Dominique Friard
Références :
CHAMBON (O), MARIE-CARDINE (M), La réadaptation sociale des psychotiques chroniques. Approche cognitivo-comportementale, Nodules, PUF, Paris, 1992.
Date de dernière mise à jour : 11/11/2020
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