Les bousiers
Les bousiers
Les infirmiers sont de plus en plus nombreux à quitter l'hôpital et les soins. Les établissements ont de plus en plus de mal à recruter. L'histoire clinique complexe, ici racontée, en dit quelque chose. Si vous voulez garder vos soignants, arrêtez de les traiter comme de la merde !
Le pilulier ou bousier est un scarabée qui se sert de ses pattes antérieures et de ses mandibules pour façonner des morceaux de bouse en pelotes sphériques qu’il peut ainsi déplacer en les faisant rouler jusqu’à son terrier. L’endocopride, lui, vit tout simplement dans la bouse, sans la déplacer, ni la façonner. Jusqu’aux travaux de Jean-Henri Fabre, les entomologistes ont nourri de nombreuses légendes fantaisistes sur les bousiers et leur vie quotidienne. Fabre démontra grâce à de patientes expériences et des observations rigoureuses (et olfactivement pénibles) que les bousiers se livrent d’incessants combats pour récupérer la pelote de merde de leurs congénères.[1] Ce coléoptère, souvent méprisé, est un véritable athlète qui présente la particularité d’être, à son échelle, l’insecte le plus fort de la création. Il peut, en effet, soulever une masse équivalente à 1 141 fois son poids. On peut admirer sa ténacité dans le documentaire « Microcosmos : le peuple de l’herbe »[2] qui filme le parcours d’un bousier en train de déplacer sa pelote et les péripéties qu’il affronte.
Agathe et Blandine, les deux soignantes dont je vais narrer l’histoire, Pascale, la patiente à laquelle on les identifie, ont fait preuve de la même ténacité. Mais … L’endocopride et le pilulier vivent peut-être dans la merde mais ils le font en virtuose. Ils y sont suradaptés. Peut-on dire la même chose des soignants et de leurs institutions ?
Un étrange mélange
La première rencontre, au C.M.P. avec celle que j’ai choisi de nommer Pascale Lagnot donna à penser que sa prise en charge serait longue et semée d’embûches. Les informations qui l’accompagnaient mentionnaient une décompensation à type de psychose puerpérale à la naissance de sa fille, Christelle, aujourd’hui âgée de douze ans, placée en famille d’accueil, des violences physiques et sexuelles perpétrées par les hommes de sa famille puis par un mari qui en fit sa chose, un divorce en cours et une A.A.H. non perçue depuis plusieurs mois.
La présentation physique de Pascale, marquée par un état d’incurie avancé, portait les traces d’un parcours chaotique. Pascale penchait la tête sur le côté et ne regardait pratiquement jamais quiconque dans les yeux. Un résidu de maquillage grossier, tracé au khôl noir, attestait qu’elle avait tenté de prendre soin d’elle. Sa chevelure enchevêtrée abritait un élevage de poux. Elle avait la dentition et l’aspect général des patients chroniques qui multiplient les années d’hospitalisation. Elle paraissait quarante-cinq ans, dix ans de plus que son âge réel. Enfin, sa tenue vestimentaire était totalement désadaptée, aussi bien par la taille des vêtements, que par le choix des matières et des couleurs. Elle sortait l’hiver en nu-pieds, mini-jupe et débardeur. Quand nous la connûmes mieux, nous fîmes le constat que ces tenues étaient à chaque fois différentes, comme si elle possédait un dressing à faire pâlir une fashion victim. Mme Lagnot nous proposait un étrange mélange de laisser aller qui montrait une absence totale d’investissement de sa présentation physique et une incontestable recherche vestimentaire mais décalée, on pourrait même dire dissociée.
Au royaume de Diogène
Face à son peu d’investissement des rencontres au C.M.P. et de la difficulté d’entrer en relation, se posa vite la question d’organiser des visites à domicile. Deux infirmières, Agathe et Brigitte, se rendirent donc chez Mme Lagnot.
Une fois, la porte de l’appartement refermée derrière elles, elles se retrouvèrent dans ce qu’Agathe nomma le royaume de Diogène. La description peut paraître un peu appuyée mais certains appartements de personnes souffrant de psychose, donnent littéralement le vertige. Le soignant se retrouve brutalement dans un monde qui semble défier toute logique. Lorsque l’on croise ces patients, de temps à autre, lors d’entretiens trop brefs, on peut oublier que leur monde intérieur est chaotique, on peut zapper leur souffrance incommensurable. Leur appartement en montre, en raccourci, l’intensité. On touche du doigt, du nez et des yeux l’importance de leur dissociation. Ça fonctionne comme un effet de réel. Un réel parfois insupportable. On préfèrerait alors infiniment être dans un bureau. A distance. Loin. Pascale, elle, était fière de montrer son intérieur. Les sols et les murs n’étaient plus visibles tant elle avait entassé d’objets en tous genres. Il y avait de tout, et en quantité incroyable. Les objets, en série, semblaient se multiplier sans fin. Comme un rêve d’évaluateur, de comptable. Quatorze cafetières, dix toasteurs, huit magnétoscopes, une centaine de paires de chaussures, de la vaisselle à foison, des vêtements entassés du sol au plafond, des produits de beauté à faire saliver une esthéticienne, du matériel de puériculture qui aurait permis à une crèche entière de fonctionner pendant un mois, cinq canapés, trois tables, une quinzaine de chaises, etc., etc. Un entassement majuscule d’objets apparemment inutiles. Aucun appareil électrique n’était branché. Les produits de beauté étaient intacts. Un pur amassement. Une sorte d’entrepôt destiné à garder des objets hétéroclites, apparemment sans ordre, ni raison, ni utilité.
Si un appartement est une projection du monde intérieur de celui qui l’habite, le F4 de Pascale était chaos, entassement, débordement. Agathe et Brigitte étouffaient. Elles découvrirent vite qu’elles n’étaient pas seules : des familles entières de blattes, cafards et insectes en tout genre avaient colonisé le lieu. Cela grouillait de partout en provoquant chez elles des réactions de grattage incontrôlées. Le plus insupportable était la puanteur qui maltraitait leur système olfactif, jusqu’à leur système gastrique qui semblait vouloir soudainement expulser leur petit déjeuner. La psychose transpirait de partout.
L’administration et les économistes peuvent dire ce qu’ils veulent, ils peuvent couper les vivres aux soignants, leur hurler dessus, ils peuvent les sanctionner sous des prétextes futiles mais ce que les soignants affrontent, c’est ce réel-là, c’est ce qu’ils doivent accepter de vivre pour pouvoir soigner les personnes qui survivent vaille que vaille dans de tels magmas. Pas de soin possible sans cette confrontation au réel de la psychose. Parmi ceux qui nous condamnent, combien accepteraient cette confrontation, combien seraient capables de percevoir un fil à tirer qui permettra, un jour, que du soin et de la relation aient une place ? Il est plus facile d’agonir un soignant d’injures que de l’aider à accompagner des patients tellement envahis qu’aucun protocole ne leur permettra jamais de trouver un fil d’Ariane qui les réintroduise dans une vie à peu près apaisée.
Agathe et Brigitte, ce jour-là, dans cet appartement-là, auprès de Pascale, échangèrent un regard qui valait pacte. Même si ce chantier devait les conduire au-delà de leur rôle de soignantes, elles se savaient prêtes à affronter ce champ de mines. Elles étaient décidées à repousser ce que Brigitte a nommé les « limites du soin ». On peut bien sûr en discuter. J’aurais tendance à penser que le soin c’est précisément d’intervenir, d’accompagner Pascale, de l’aider à apprivoiser ce monde qui laisse tant de dépôt en elle au point de l’envahir. Elles revinrent donc.
Leur mission consistait à « éduquer » Pascale aux gestes de tri. Commença alors le ballet de sacs de poubelle de 100 litres. Héraclès, dans les écuries d’Augias n’aurait pas fait mieux.
C’est au cours d’un de ces innombrables va-et-vient que nos collègues purent avoir accès aux photos personnelles de Pascale. Une photo de mariage les a particulièrement marquées. Pascale porte une robe de mousseline couleur parme, ses cheveux sont coiffés d’un chignon orné de petites fleurs printanières. Son maquillage est léger. Elle sourit d’un beau sourire joyeux, confiant en cette vie qui semble s’ouvrir. Elle leur apparut belle. Comment admettre qu’en l’espace de treize ans, elle soit devenue aussi méconnaissable, abîmée par la maladie, la souffrance, le malheur ?
Les bonnes intentions ne suffisent pas toujours. L’éducation n’est parfois qu’emplâtre sur jambe de bois. Pascale réapprovisionnant son stock d’objets hétéroclites après chaque visite, l’équipe du C.M.P. dût se résoudre, au bout de deux mois, à l’hospitaliser au C.H.S. contre son gré. Son hospitalisation a duré de longs mois. Il fallut d’abord trouver des fonds pour payer une entreprise de désinfection et de nettoyage. Il fallut dans le même temps apprendre à Pascale des règles de base telles que celles relatives à l’hygiène, à l’alimentation, à la gestion d’un budget. Il fallut aussi favoriser une reprise de contact avec Christelle, la fille de Pascale, par le biais de l’A.S.E. Pascale insistait de plus en plus pour regagner son logement et se disait d’accord pour le maintenir en état, elle semblait prête à s’engager de nouveau dans un protocole de soins qui associerait une prise en charge en hôpital de jour, le passage d’infirmiers libéraux à domicile de façon quotidienne pour la délivrance de son traitement et un projet d’admission en appartement thérapeutique si son retour à domicile la replongeait dans les bras de Diogène.
L’arrivée à l’hôpital de jour
C’est ainsi qu’il fut question de Pascale Lagnot à l’hôpital de jour. Elle apparut tellement atypique, tellement différente des patients « habituels » de l’hôpital de jour que l’équipe ne fut pas très à l’écoute. Les questions qui se posent, en général, aux soignants d’un hôpital de jour ne sont pas celles qui importent aux soignants du temps plein hospitalier. Qui est cette Mme Lagnot ? Pourquoi l’hôpital de jour ? Quels sont les objectifs de cette prise en charge ?
On leur répondit que c’était un problème social qui l’avait fait hospitaliser sous contrainte au C.H. Monbranin d’Aix-en-Gâtinais dont dépendent l’hôpital de jour et le C.M.P. « Elle veut sortir et rien ne le contre-indique. Un peu d’hôpital de jour, proposa le médecin, cela la fera sortir, voir du monde, se confronter à la réalité. Et puis peut être que vous arriverez à l’apprivoiser, c’est un peu un animal sauvage. Enfin si elle vient ce sera déjà pas mal ! » Le projet médical était peu ambitieux, comme si le psychiatre se résignait déjà à l’échec de la prise en charge. C’est ainsi que les collègues de l’hôpital de jour virent Pascale arriver un lundi du mois de juin.
« Un animal sauvage, ça c’est sûr !!! » Un simple bonjour semblait l’effaroucher. Elle paraissait si fragile et si lointaine. Tous se demandèrent comment la saisir, comment la rencontrer. Il y a différentes façons de ne pas être adéquat. Être hospitalisée en psychiatrie pour un problème social en est une. Contre son gré en plus.
Il existe différentes façons d’éviter les migraines lorsque l’on travaille en psychiatrie. Penser que des personnes puissent être hospitalisées pour des problèmes sociaux en est une. A ce tarif-là, la folie est un problème social. Comment les problèmes sociaux viennent-ils aux gens ? Quelle part d’eux y participe ? Pour aller plus loin, il faudrait prendre en compte de vieilles lunes, l’inconscient et tous ces vieux machins métapsychologiques rangés au grenier de la psychanalyse de grand papa Freud.
Elle voulait sortir et rien ne le contre-indiquait. On hospitalise les gens pour des problèmes sociaux, on les envoie en hôpital de jour pour qu’ils voient du monde, pour qu’ils se confrontent à la réalité. C’est une histoire de flux, de tuyauterie, de robinet à ouvrir ou à fermer. L’hôpital de jour confronterait à la réalité ? Mais la réalité déborde de partout dans ce début d’histoire. S’il suffisait d’éduquer à l’hygiène, à l’alimentation les patients schizophrènes pour qu’ils deviennent propres et s’alimentent correctement, depuis le temps, ça aurait fini par se savoir, non ? Et la réalité psychique ? Où s’y confronte-t-on ? Où peut-on la mettre en travail ? Pascale est un petit animal sauvage. Un petit animal sauvage, ça a des problèmes sociaux, pas de réalité psychique. Quand on compare un patient à un petit animal, on peut craindre le pire.[3] L’apprivoiser, vous rigolez ? J’ai mon « idée du moi »[4] qui me démange …
Un jour fut convenu pour une « entrée » officielle mais, évidemment, Pascale arriva un jour où elle n’était pas attendue. Carole, l’infirmière qui tenta de poser un cadre de soin se heurta à un vide. Elle lui donna un carton avec ses jours de présence (mardi et jeudi). Pascale repartit comme elle était venue.
Le mardi arriva mais Pascale ne revint pas. Il n’existait aucun moyen de la contacter. Passa le jeudi et toujours pas de Pascale. Vendredi 9 heures, Pascale arriva toute pimpante, comme si de rien n’était ; elle vint chercher les soignants dans le bureau pour avoir un verre d’eau car elle se sentait faible. Quelques questions permirent de déduire qu’elle n’avait pas mangé depuis la veille. Après une collation, elle repartit de nouveau sans en dire davantage. Avant son départ, une collègue, Danielle, réussit à lui glisser un rappel sur les jours où elle était attendue pour manger.
Et lundi arriva avec sur ses traces Pascale ! Encore une fois, elle demanda à boire, et, de pouvoir prendre une bouteille d’eau pour chez elle. L’équipe décida, cette fois-ci, d’accompagner ce petit déjeuner, et, sur le ton de la conversation, les soignantes essayèrent de connaître ses conditions de vie. Elle leur dit n’avoir ni eau, ni électricité depuis son retour chez elle (une quinzaine de jours auparavant).
Estomaquées, les soignantes appelèrent sa tutrice qui confirma ses propos. Oui, l’eau avait bien été coupée car depuis son retour il y avait déjà eu deux dégâts des eaux, les pompiers avaient en conséquence, décidé de fermer les vannes. La tutrice proposa de rencontrer Pascale chez elle en début de semaine suivante. Comment Pascale allait-elle faire pendant une semaine, en plein mois de juin, sans eau, sans frigo, sans toilettes ? L’équipe lui proposa de venir tous les jours, exceptionnellement. Mais le lendemain, Pascale ne revint pas… La tutrice fit rouvrir les vannes la semaine suivante.
Pascale réapparut. Jamais les jours où elle était attendue. Les soignantes modifièrent donc le cadre et l’acceptèrent sur ces temps furtifs. Il pouvait lui arriver de rester jusqu’à l’heure du repas mais c’était assez rare. Pascale ressemblait toujours à un petit animal sauvage que les soignantes tentaient d’apprivoiser. Elle ne mangeait pas, elle engloutissait. Elle était seule face à son assiette et engouffrait sans demander son reste. Repas thérapeutique ? Puis elle filait, une fois le repas terminé. Les soignantes essayaient toujours d’entrer en contact avec Pascale mais la distance perdurait. Sa situation sociale était toujours aussi catastrophique : au bout du énième dégât des eaux, les voisins lancèrent une pétition ; ils voulaient la voir partir, elle et sa folie. Elle n’avait toujours pas d’électricité et sa tutrice ignorait d’où ça venait.
Une mise en demeure alerta tout le monde : que faire de Pascale ? Elle habitait en HLM et risquait de perdre son précieux logement. Des problèmes sociaux lui interdisaient de toucher son A.A.H. depuis des mois. Comment était-ce possible ? Elle sortait d’hospitalisation, elle avait une tutrice. Ses papiers devaient, en principe, être à jour.
La situation sociale, c’est ce que l’on voit. Le discours manifeste. Quand on voulait cadrer Pascale on se heurtait à un vide. C’était peut-être là le discours latent. Ce n’est pas une métaphore, c’est à entendre au sens plein du terme. Nous pourrions presque nous arrêter là. Un vide solide, un vide compact, un vide plein. Le diagnostic est posé. Nous ne cessons de tourner autour. Un problème social ? Soigne-t-on la psychose en résolvant mal des problèmes sociaux ? Quand on se heurte à un tel vide, ça fait mal. C’est ce que notre histoire va montrer.
On lui propose un planning, une rythmicité, elle choisit le point d’eau, la mare où les animaux viennent se désaltérer. Au début l’hôpital de jour, c’est une histoire d’eau. L’eau qui fait des dégâts, l’eau qu’on coupe. Les pompiers ferment les vannes. Action/réaction. Elle n’a même plus le minimum vital. Elle commence par s’abreuver à l’hôpital de jour. Elle emporte une bouteille d’eau chez elle. Un temps furtif. Une bouteille d’eau transitionnelle ? Qui sait ? Un petit bout de cadre qui s’essaie. Il faudra s’en contenter, se nourrir de ces miettes de relation. Surtout ne rien précipiter. Aller à son rythme.
La proposition de Blandine
En réunion, les débats tournaient toujours court : retour à l’hôpital, augmentation du temps d’hôpital de jour, retour à l’hôpital. Personne n’avait de solution, l’équipe était dans une impasse. C’est alors que Blandine, l’éducatrice, proposa d’une voix timide une alternative à l’hospitalisation : un appartement thérapeutique. Elle reprenait ce qui avait été convenu lors de la sortie de Pascale mais oublié.
Cet hôpital de jour est une structure de soins un peu particulière car sont regroupés sur un même lieu, autour d’une équipe commune, un hôpital de jour, un CATTP et un appartement thérapeutique. Quatre soignants interviennent sur place plusieurs demi-journées par semaine. Il ne s’agit donc pas d’un rejet mais d’une prise en charge plus resserrée. Le psychiatre approuva très vite cette proposition. « De toute façon, Pascale n’a pas le choix : soit elle accepte, soit elle est hospitalisée. Il n’y a plus rien d’autre à faire. »
Armée de sa plus grande conviction, Blandine reçut Pascale avec Fabienne, une collègue infirmière qui fait partie de l’équipe de l’appartement thérapeutique. Elles lui exposèrent les faits : les nombreuses plaintes des voisins, la lettre du syndic demandant son expulsion, ses difficultés à se nourrir, s’entretenir, prendre régulièrement son traitement, ouvrir sa porte aux infirmiers libéraux, sa présence aléatoire en hôpital de jour. Elles lui firent leur proposition toutes heureuses de lui trouver une solution d’hébergement et de soins. Pascale refusa catégoriquement de quitter son appartement. Rien n’y fit. Les soignantes jouèrent leur dernière carte : le psychiatre et Agathe, l’infirmière du CMP.
Lors de l’entretien, le psychiatre lui lança son fameux ultimatum : hôpital ou appartement thérapeutique ? Pascale accepta à contre cœur. Le plus dur restait à faire : convaincre l’équipe qui intervenait à l’appartement thérapeutique. Blandine se heurta, alors au mur de problèmes soulevé par ses collègues : « Le traitement, elle ne le prend pas seule, comment faire ? », « Les cafards et autres nuisibles, ils vont envahir l’appartement thérapeutique, comment faire ? », « Les autres patients, elle est vulnérable et vend son corps contre des cigarettes, comment faire ? » Eh oui, comment faire ? L’hygiène de Pascale restait problématique, elle déniait toujours être malade, adhérait peu aux soins. Rien ne permettait de penser que l’appartement thérapeutique mettrait fin à sa conduite d’entassement effrénée. Il aurait peut-être fallu se décaler et adopter un questionnement clinique qui n’aurait pas mis au premier plan les troubles du comportement. L’équipe était peut-être un peu réticente mais son « Comment faire ? » était pertinent. En tout cas, ce n’était pas une fin de non-recevoir. Un travail collectif semblait possible.
Appartement personnel ou appartement thérapeutique ? La question obligeait les soignants à faire retour à la clinique. Il n’est pas certain que le lieu où Pascale résidait devait être considéré comme un appartement. Elle ne semblait pas y habiter. C’était une grotte, un antre, une caverne. Le nid d’une pie. Cet appartement plein, sans vide, aurait dû produire une sensation d’étouffement. Non seulement Pascale ne semblait pas en souffrir, comme un obsessionnel, mais elle faisait en sorte que les odeurs persistent, que l’amoncellement se poursuive. L’appartement était donc tel qu’elle le souhaitait. Quelle fonction remplissait-il pour elle ? De quoi la protégeait-il ? De quoi jouissait-elle, au sens lacanien du terme, dans ce home qui n’était pas un foyer ? Ces questions restaient dans l’ombre. Elles ne furent pas même posées.
Nommer syndrome de Diogène la conduite d’accumulation de Pascale n’était pas une mauvaise idée : elle n’était plus un animal qu’il fallait apprivoiser. Elle souffrait d’une compulsion à amasser des objets hétéroclites, compulsion qui pouvait se soigner.
Le syndrome de Diogène associe : une négligence parfois extrême de l'hygiène corporelle et domestique ; une accumulation d'objets hétéroclites, nommée également syllogomanie ; un déni de son état, associé en conséquence à une absence de toute honte ; un isolement social selon les critères habituellement admis dans sa culture ; un refus d'aide concernant cet état, celle-ci étant vécue comme intrusive; une personnalité prémorbide : soupçonneuse, astucieuse, distante, tendant à déformer la réalité. On retrouvait effectivement tous ces symptômes chez Pascale. Comme elle était loin d’avoir un âge canonique, on pouvait la situer dans le registre de la psychose. Ça n’expliquait rien mais c’était une première tentative de rangement. Elle n’était plus perçue comme un petit animal sauvage mais prenait figure humaine. Le pas peut sembler mince, il n’en était pas moins d’importance.
« J’aurais deux maisons alors ? »
L’équipe était en travail mais Pascale ne venait plus à l’hôpital de jour. Elle trouvait toujours des prétextes divers pour expliquer son absence lors des différents appels téléphoniques des soignants. Au moins la ligne n’était-elle pas coupée. Un lien fragile, ténu existait. Pascale répondait au téléphone, se justifiait, amoncelait mais en relation avec les soignantes.
Parfois, nous voulons aller trop vite. Nous oublions que ce qui nous fait horreur est un élément de survie pour les patients psychotiques. D’un autre côté, les soignants doivent faire face à l’urgence : urgences psychiatriques, urgence sociale faite de courriers courroucés du voisinage. Difficile de ne pas en tenir compte. « Si vous rencontrez un schizophrène pendant des années, écrivait Racamier, il vous arrivera plus d’une fois de vous trouver saisi par une action psychique d’une espèce très particulière, et parfois d’une force irrésistible. Face à lui, vous vous sentirez insidieusement effleuré, gagné, puis envahi par un sentiment d’insignifiance. Il vous semblera que non seulement vos paroles, mais votre pensée, et enfin toute votre personne sont non seulement dénuées de sens, mais vidées de signifiance. Il ne reste de vous qu’une coquille emplie de vide. Ce n’est pas là l’impression la plus agréable qu’on puisse éprouver […] on s’en défend farouchement : tout vaut mieux qu’une telle plénitude de vacuité. »[5]
Pour nous résumer, d’un côté nous avions un plein, un espace qui ne cessait de se remplir, malgré tout ce que nos collègues faisaient d’éducation, malgré les sacs poubelles de cent litres et de l’autre l’inanité, l’état de ce qui est vide, dénué de sens et pis encore, du côté des soignants, privé de la capacité de porter sens, privé de signifiance. Nous étions face à ce que Racamier nomme « le transfert inanitaire ». L’inanisation vise moins à détruire l’objet qu’à juste le vider de sens et d’intérêt. Les soignants apparaissent alors avoir le même statut que les quatorze cafetières, la centaine de chaussures ou les produits de beauté. Racamier précise que l’omnipotence inanitaire est ce qui permet aux schizophrènes d’éviter le retrait d’investissement total ; elle réserve une attention extrême à l’objet, mais négative. L’inanité ne se porte à l’objet qu’à raison même de l’amour qu’il inspire. L’omnipotence inanitaire est pour le malade un modèle de relation tant avec l’objet qu’avec lui-même, et tant avec le réel concret qu’avec la réalité psychique. De son point de vue problèmes sociaux ou psychiques, c’est du pareil au même, ça n’a pas plus de sens mais ça maintient la possibilité d’un sens.
Le Royaume de Diogène est un ensemble vide, un syndrome qui n’explique qu’en partie les phénomènes observables. Tonneau pour tonneau, il vaut mieux convoquer celui des Danaïdes. Après avoir tué leurs époux, tous frères, les cinquante filles de Danaos sont condamnées, aux Enfers, à remplir éternellement des jarres percées. La punition des Danaïdes est la trouvaille de Pascale. L’amoncellement ne serait que le produit de sa tentative d’inanisation du monde. Le monde dans lequel vit Pascale serait percé, elle passerait son temps à tenter de le remplir avec des objets innombrables, absolument inutiles et pas le moins du monde investis.
Autrement dit, si nous suivons cette hypothèse, plus on vide l’appartement, plus il doit être rempli. L’équipe n’en est pas à ce niveau de réflexion. Aucune psychologue n’est attachée à l’hôpital de jour. Ceci peut expliquer cela.
On s’attaqua donc encore au symptôme. La tutrice suggéra de profiter de la perspective d’accueil à l’appartement thérapeutique pour remettre, une fois de plus, le logement en ordre et offrir à Pascale des conditions de vie décentes. Les soignantes déplièrent le projet d’appartement : évaluer les capacités de Pascale et lui proposer l’aide concrète nécessaire afin d’acquérir le minimum d’autonomie pour pouvoir retourner vivre dans son appartement.
Blandine et Agathe rencontrèrent donc Pascale à domicile et l’interrogèrent sur ses promesses de ne plus stocker d’objets. Mais c’était de pire en pire à chacune de leurs visites. Elle leur répondit qu’elle allait le faire, que cette fois-ci était la bonne : « Comment faire ? Je n’ai aucun produit ménager chez moi ? » Au moins, l’équipe et Pascale s’accordèrent-elles sur le comment ? Pascale apprit également à Blandine et Agathe qu’elle n’avait plus son argent de la semaine. Elle avait fait des courses et acheté ses cigarettes. Elle rajouta qu’elle s’achèterait un beau balai la semaine suivante mais elle n’évoqua pas d’achat de savon, ni de désinfectant. Blandine lui demanda si elle se souvenait de leur discussion concernant l’appartement thérapeutique, elle lui répondit qu’elle souhaitait rester dans son appartement. Blandine aborda le fait qu’elle avait besoin d’aide et qu’il paraissait compliqué qu’elle continue de vivre seule, que le tri, le rangement et le nettoyage pourraient se faire via l’appartement thérapeutique sous forme de VAD à visée éducative. Pascale réfléchit et lui dit : « J’aurais deux maisons alors ? ». Elle regarda les soignantes et leur dit qu’elle aimerait avoir une belle chambre « rien qu’à elle », dans laquelle elle apporterait ses affaires. Profitant de cet intérêt pour l’appartement thérapeutique, Agathe lui proposa d’organiser une visite des lieux afin qu’elle puisse identifier le lieu et se faire une idée de la vie qu’elle pourrait y mener. Pascale lui sourit et lui dit : « Pourquoi pas ? C’est une bonne idée ».
Et pour la première fois, elles virent un sourire franc sur son visage ravagé. Pour la première fois, elles sentirent un soulagement dans ce corps meurtri. Pascale prit alors le temps de leur montrer ses photos, les trésors d’une autre vie. Elle évoqua également les événements dramatiques sinon traumatiques de sa vie sur lesquels nous reviendrons.
Retour du grand ménage
Fortes de ce consentement, Blandine et Agathe imaginèrent une prise en charge plus étayée. Elles en parlèrent à la psychiatre de Pascale, au C.M.P. Trois visites à domicile ponctueraient la semaine, de façon à les ritualiser et à apprivoiser davantage Pascale. Les VAD seraient effectuées par l’équipe hôpital de jour/appartement thérapeutique et le suivi médical se déroulerait au CMP, entre consultations médicales et entretiens infirmiers. Satisfaite de ce premier résultat, Agathe et Blandine en rendirent compte à leurs collègues.
D’abord, il y eut un blanc. Une foule de questions apparut ensuite. Fabienne soutint les propositions de Blandine et Agathe. Elle savait combien le travail hors les murs peut être complexe. Sa seule exigence fut de mettre sa blouse d’infirmière pour ces visites à domicile. Malgré les réticences de l’équipe, Fabienne et Blandine organisèrent quand même une première visite à domicile. Armées de sacs poubelles, d’ampoules, de produits d’entretien et d’un cadeau pour Pascale, elles sonnèrent à la porte non sans une petite appréhension. Par où commencer ? Pascale serait-t-elle là ?
Elle les attendait de pied ferme. Pascale craignait que les soignantes ne viennent pas. Elle était même étonnée que l’engagement ait été respecté. La tenue de Fabienne l’effraya un peu. Pourquoi la blouse ? Les infirmières qui portent la blouse sont de l’intra. « Vous allez me renvoyer à l’hôpital ? » Fabienne expliqua à Pascale ses raisons d’avoir pris cette tenue. Lors de leur précédente visite, Blandine et Agathe avaient repéré que Pascale ne possédait pas de poubelle. Il est vrai que d’une certaine façon l’appartement était lui-même une poubelle. Alors pour cette première fois, les soignantes en offrirent une à Pascale. Une poubelle simple avec les sacs qui allaient avec. Les larmes aux yeux, Pascale les a serrées dans ses bras. Imaginez la scène : une infirmière en blouse blanche, une éducatrice, portant la poubelle à bout de bras dans le couloir sans savoir où la poser, Pascale tout excitée. C’était peut-être le premier objet « extérieur » apporté par un autre qu’elle-même.
« Par où commençons-nous Pascale ?
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La cuisine, on s’attaque à la cuisine. »
Courageuse, Blandine passa la première et entra dans une pièce de dix mètres carré où elle ne pouvait que tenir seule. L’angoisse la saisit et l’étreint. Elle a la phobie des cafards et s’en trouve submergée. Elle sent le regard anxieux de Fabienne et celui non moins anxieux de Pascale, toutes deux pendues à ses gestes. Alors ? Alors ? Par quoi on commence ? Elle ne peut succomber à la panique. Elles comptent sur elle. Elle inspire un grand coup et s’entend prononcer sans trembler : « Par le frigo. On va trier. » En fait de tri, il a fallu tout jeter. Enfin, Pascale a tout jeté. S’est-elle rendue compte que l’intégralité du frigo était impropre à la consommation ou bien est-ce par souci de faire plaisir aux soignantes ? Fabienne profita du fait que le frigo était vide pour le nettoyer avec Pascale. Elle lui prodigua aussi des conseils d’hygiène sur la conservation des aliments. Pour finir cette première visite, elles changèrent toutes les ampoules de l’appartement. Malgré plusieurs visites de la tutrice qui lui disait qu’elle avait l’électricité, Pascale vivait dans le noir. Et la lumière fut. Il fallait juste changer les ampoules.
Lors des visites qui suivirent, Pascale leur demanda de l’aider à trier ses ustensiles de cuisine en leur racontant l’histoire des douze cafetières, des huit théières et autres… Certains de ses objets avaient donc une histoire qu’il était possible d’écouter … Elles passèrent aussi un long moment à essayer de déboucher les tuyaux de Pascale : évier de la cuisine où flottaient une armada de bêtes en tout genre et toilettes bouchées. A chaque victoire, Pascale retrouvait figure humaine et quittait son habit d’enfant des bois mais le chemin fut long et semé d’embûches.
Du rififi dans l’équipe
Les visites duraient de trente à quarante minutes. C’était la limite de Pascale. Elle mettait souvent les soignantes à la porte avant la fin. L’angoisse et la fatigue la dévoraient. Cette durée était aussi la limite des soignantes.
Le retour à l’hôpital de jour ou au CMP était difficile. Outre le sas de décontamination obligatoire, les soignantes mettaient beaucoup de temps à faire baisser leur propre pression. Elles avaient besoin de parler, d’échanger, de faire sortir leurs émotions. Entre elles et avec l’équipe. Elles avaient parfois la sensation d’emboliser la parole, de souler leurs collègues. Il est vrai qu’elles en parlaient beaucoup. Certains regards étaient admiratifs, louaient leur capacité à repousser les limites et à s’approcher au plus près de la saleté et du quotidien de Pascale. D’autres regards étaient plus dubitatifs voire hostiles. Les limites semblaient à ces collègues largement dépassées. On leur reprochait à mots, de moins en moins voilés, d’aller là où elles ne devraient pas aller : « Si on fait ça, qu’est-ce qu’ils vont nous demander après ? », « Et puis on n’est pas payé pour faire du rangement, du nettoyage. Ça, c’est pas notre travail !!! Nous on fait du groupe, nous on fait des activités thérapeutiques… »
Il aurait été miraculeux que cette prise en charge atypique ne suscite pas de débats et de discussions dans l’équipe. Confrontée à une démarche de soins tellement exigeante, les soignantes ne pouvaient qu’être en conflit. A la mesure peut-être des conflits internes qui écartelaient Pascale. Aucune équipe n’aurait pu en faire l’économie. Les soignantes se débrouillaient comme elles pouvaient avec la souillure à laquelle renvoyait ce travail de tri.
Un travail d’analyse des pratiques ou de supervision aurait probablement permis aux conflits de s’exprimer, de s’élaborer. Le cadre de l’unité aurait pu favoriser ce travail mais kinésithérapeute de profession, elle n’avait pas les moyens cliniques de le porter. Les choses en restèrent là, brutes, sans élaboration. Agathe, Fabienne et Blandine n’en poursuivirent pas moins leur travail de Sisyphe. Elles portaient ce rocher comme le bousier porte et pousse sa pelote de bouse. Lors d’une réunion clinique, lorsque fut abordé le cas de Pascale, le vase déborda. Assise en bout de table, Agathe perçut de la gêne, du dégoût même. La psychiatre évoqua la difficulté de cette prise en charge et fit le constat que ce travail à trois était trop exigeant et qu’elle était en attente de personnel supplémentaire pour relayer Agathe, Fabienne et Blandine.
Un grand silence lui répondit. Agathe et Fabienne observèrent leurs collègues. Certains étaient immobiles, évitant même de respirer, d’autres détournaient le regard, ou bien encore, étaient pris dans des travaux d’écriture, de relecture de planning … Agathe prit la parole et exprima alors fortement son mécontentement. « Personne ne nous aidera donc ? Nul ne se sent concerné par les difficultés que nous traversons ? » Elle finit par dire à quel point elle était déçue de voir que le travail d’équipe n’était plus qu’une vaste supercherie. Blandine, absente lors de cette réunion, se retrouva un jour seule à faire la visite à domicile. Le médecin lui ordonna d’y aller avec une autre infirmière. Elle connaissait la réponse de ses collègues avant même de la poser. Personne ne l’accompagnerait. Quelqu’un souhaitait-il prendre part à cette aventure de soin ? Que pensaient-elles des soins que Fabienne et elle-même administraient à Pascale ? Blandine découvrit, à ce moment-là, la violence que cette situation faisait vivre à l’équipe. Pour certains, elles dépassaient leur rôle, enfin surtout Fabienne car elle est infirmière. L’éducatrice, à la limite, ça peut faire ce style de prise en charge. Pour certains, les soignants en hôpital de jour, doivent se cantonner à un travail de groupe. Quand on est infirmier en hôpital de jour, on ne fait pas de soins individualisés. Une autre infirmière finit quand même par se joindre à l’équipe de nettoyeuses afin d’assurer la continuité de la prise en charge.
La souillure
Blandine s’est beaucoup interrogée, comme Agathe et Fabienne. Au premier abord, elle a été choquée par une phrase : « Ce n’est pas mon travail » avec le sous-entendu que c’était celui de l’éducatrice. Est-ce donc ça la différence entre les deux formations lorsqu’on travaille en psychiatrie ? Un métier s’occuperait de la crasse et l’autre du propre ? Elle serait une sorte de bousier qui ….
Blandine a attrapé la psychiatrie à partir de la psychothérapie institutionnelle. Elle a effectivement toujours entendu dire que le cadre de soin était souvent à réinventer, à modeler autour de chaque personne. Elle a adapté cette souplesse à Pascale, une personne qui n’arrivait pas à se fondre dans le cadre de soin traditionnel. Il lui était impossible d’être en groupe, d’être en relation avec les soignantes. Et grâce à cette prise en charge particulière, elle a ouvert les portes de chez elle et donné quelques clés pour l’aider.
Blandine sait proposer des activités comme la mosaïque ou le théâtre comme médiation mais avec Pascale elle a dû utiliser les sacs poubelles comme médiateurs. Durant toutes ces visites, Pascale leur a appris sa fille, son ressenti, sa présence dans sa vie. Dans le dossier, il est écrit que Christelle a été placée à sa naissance et qu’elles n’ont vécu que quelques mois ensemble entre 2 et 4 ans. Il y ait fait mention aussi du peu de relations réelles qu’elles ont ensemble à l’heure actuelle : à peine des dessins envoyés. Mais elle a entendu Pascale leur raconter ce que chaque couverture récupérée pour sa fille venait créer d’histoire de vie. Pascale sait bien au fond d’elle que sa fille de 12 ans ne boit plus de lait maternel et pourtant elle récupère les boites vides pour se souvenir de ce temps-là. Parler de sa fille, avoir des objets ayant pu lui appartenir comme pour ouvrir un musée de cette existence passée loin l’une de l’autre. Comme si cela remplissait l’espace laissé dans son cœur.
Les plats à tajine aussi parlaient d’un passé idyllique avec son mari, l’illusion d’être une bonne épouse, de faire à manger, de se pomponner, … même si le dossier fait état d’un mari violent, d’un mari torturant. Ce n’est pas celui-là qu’elle a raconté. Elle s’est laissé voir dans sa plus profonde intimité. Pascale qui leur disait à peine bonjour à l’hôpital de jour leur a beaucoup montré d’elle. Elles ont peut-être dépassé le cadre de soin, encore qu’elles ne l’aient fait qu’avec l’assentiment du médecin et sur ses recommandations.
Aujourd’hui, Pascale est retournée à l’hôpital. Elle s’est fait déborder par sa réalité délirante et l’équipe n’a pas encore su être suffisamment contenante pour l’aider à l’affronter dehors. La question de son orientation se pose toujours.
La fin d’une illusion
Le parcours de soin de Pascale et ses conséquences sur l’équipe n’ont en soi rien de tragique. Les équipes traversent des phases de croissance et de régression qui peuvent être tout autant bénéfiques que nuisibles. Le psychisme collectif de chaque groupe possède un niveau plus ou moins différencié d’élaboration qui dépend de ses aménagements psychiques du moment. Ceux-ci sont liés aux interactions entre les ressources internes de chaque membre du groupe que nous avons vu très sollicités, leur interaction collective également malmenée et les événements extérieurs auxquels le groupe doit faire face. R. Kaës, décrit quatre phases par lesquelles le groupe doit passer.[6] Au moment fantasmatique qui correspond au début du groupe succède le moment idéologique marqué par la réduction de l’activité fantasmatique et l’aplatissement des articulations différentielles entre les places assignées. Le projet commun renforce les alliances. Les membres se stimulent les uns les autres, se voient après le travail, idéalisent leur action autour d’un bon « projet » contrastant avec celui des autres. L’aspect fusionnel est important à ce stade. Le moment figuratif transitionnel est plus paisible. Le groupe connait une certaine sécurité, il peut faire fonctionner une fonction alpha qui rend possible un travail représentatif et introjectif et le début de la symbolisation complexe. Le moment mythopoétique est l’aboutissement du travail de différenciation, la communication intrapsychique se double d’une communication différentielle groupale. On observe une réduction de l’espace d’illusion et l’accès à une position dépressive consécutive au deuil de l’objet groupal totalisant.
Nous pouvons faire l’hypothèse que le groupe de l’hôpital de jour en était au moment figuratif transitionnel lorsque Pascale y arrive. Les différentes étapes de la prise en charge ont battu en brèche l’illusion groupale qui faisait tenir ensemble les différents membres de l’équipe. Le groupe peut régresser jusqu’au moment idéologique voire jusqu’au moment fantasmatique. Pour échapper à une fantasmatique persécutoire, le groupe soignant a tendance à désigner un bouc émissaire dont la fonction est de servir de mauvais objet en mettant à l’écart du groupe et de son appareil psychique la représentation douloureuse engagée. Il s’agit alors de tenir à distance la déliaison.
Depuis cette prise en charge, l’équipe est différente. On décrit une équipe clivée. On oppose la bonne équipe : celle qui en veut, qui bosse, qui essaie, qui propose à une autre équipe dépeinte comme celle qui râle, qui refuse, qui renâcle à la tâche, qui s’oppose. Cette perception, au-delà de la structure, est pensée par l’ensemble du secteur. L’équipe de l’hôpital de jour c’est celle qui dit toujours non, celle qu’il faut aller convaincre, l’arène dans laquelle il faut aller combattre. Les soignantes ne se perçoivent plus de la même façon. Le collectif s’est effrité. Les valeurs qu’elles pensaient avoir en commun les séparent. Les petits travers qui les faisaient autrefois sourire ne le font plus. Blandine a été choquée par une collègue qui, pour manger avec les patients à l’appartement thérapeutique, a acheté des couverts en plastique. Elle a été choquée par le discours de certaines qui mettent à distance les patients comme s’ils avaient le choléra. Six mois plus tôt, elle ne l’aurait peut-être même pas remarqué. C’était une bonne équipe qui s’entendait bien, un bon groupe qui avait des valeurs en commun, une même conception du travail. Elles se sentaient proches les unes des autres. Les yeux se sont décillés. L’illusion groupale ne fonctionne plus. Le deuil du groupe est tout proche tant les individus s’opposent à un certain abandon des positions subjectives afin de « pouvoir travailler ensemble ». On le perçoit bien quand on reprend les propos de Blandine et d’Agathe : « Il faut que chacun se batte pour résister au clivage, pour continuer à reconnaître le travail de l’autre. Chacun est différent, chaque soignant à sa manière d’attraper le soin et les patients. Chacun a ses limites, mais les limites de chacun ne sont pas celles du groupe. Ce sont ces différences qui font la force d’une équipe. »
L’équipe aurait pu s’en remettre. Elle aurait pu sortir renforcée de cette épreuve. Il aurait fallu, bien sûr, qu’elle puisse élaborer avec un psychologue, un superviseur ou même un cadre suffisamment présent pour interroger les valeurs du groupe et remettre du lien entre les soignants. Il n’en fut rien.
Le lecteur attentif aura remarqué que le cadre de cette unité est totalement absent de cette histoire clinique. Disons par euphémisme que c’est une personne qui éprouve quelques difficultés à maîtriser ses émotions. Son mode de management affectif l’amène parfois à avoir des attitudes que l’on ne s’attend pas à trouver chez un cadre. Je suis prêt à reconnaître que le rôle du cadre est ingrat, que certains cadres sont débordés, en plein burn-out. Il appartient aux cadres-supérieurs, aux directions de soins, aux directeurs d’hôpitaux de protéger leurs agents de tels débordements. Autant pour le cadre lui-même qui doit beaucoup en souffrir que pour les soignants et les patients. L’abstention en cette matière est coupable.
Les soignants ne peuvent pas accepter de se faire insulter par leur cadre devant les patients. Ils ne devraient jamais être dans une telle position. Leur capacité soignante en est affectée. Lorsqu’ils rédigent une fiche d’événement indésirable pour donner suite à une énième scène de leur cadre, lorsqu’ils mobilisent la médecine du travail parce que nul ne répond à leurs plaintes, il faudrait pouvoir les entendre sans rejeter la faute sur eux.
Dans de nombreuses institutions, on préfère le silence, le cordon sanitaire plutôt que de prendre ses responsabilités. De telles situations peuvent durer une dizaine d’années sans que nul ne s’en soucie. Au plus haut niveau, on fait corps. On protège le maillon faible. Jusqu’à l’absurde, jusqu’à l’intenable et tant pis pour ceux qui ne veulent qu’effectuer leur travail de soignants. Dans un tel contexte, il est difficile d’élaborer cliniquement autour des patients. La parole doit être libre. Il doit être possible d’associer sans se prendre un savon.
Agathe et Blandine ont cherché un endroit pour prendre un peu de distance par la pensée. Elles désiraient pouvoir soigner Pascale d’une façon plus efficace, moins marquée par les émotions ressenties. Elles se sont donc tournées vers l’association Serpsy[7] dont les membres ont accompagné l’élaboration de cette histoire. Le groupe a saisi l’opportunité de rencontres annuelles proposées par une des associations culturelles liées à la psychothérapie institutionnelle pour élaborer un abstract, puis le texte d’une intervention, celui-ci ayant été validé par les organisateurs des rencontres. Il fut ainsi possible de poser un travail d’élaboration clinique dans un espace que nous pensions protégé.
Une fois réalisée cette présentation qui suscita de nombreux retours réflexifs, Blandine s’est dit qu’il serait dommage que rien ne soit fait en équipe à partir de cette mise à plat clinique. Elle a souhaité pouvoir en discuter avec ses collègues. Elle leur a donc donné le brouillon du texte. Il n’a, bien sûr, pas été possible que l’équipe en discute. Au contraire, sans les prévenir une partie de l'équipe l'a transmis au fameux cadre, qui a fait suivre au cadre-supérieur, au directeur des soins, puis au directeur de l’établissement. Le 13 mars 2017, soit neuf mois après la présentation du texte, Agathe et Blandine ont été convoquées par un « tribunal » composé de la directrice des soins, du chef de pôle, du cadre-supérieur et du directeur de l’hôpital.
Elles y sont allées, accompagnées par deux représentants syndicaux. La rencontre fut d’une violence extrême. Tout ce qu’elles pouvaient dire se retourna contre elles. Les représentants syndicaux, pourtant expérimentés, ne purent guère intervenir. On leur reprocha de diffamer l’équipe, de violer le secret professionnel. Elles tentèrent bien d’opposer que ces rencontres étaient un lieu de formation, que tous les participants y étaient tenus au secret médical. Elles précisèrent que s’il n’était plus possible de présenter des réflexions cliniques dans un tel contexte, aucune formation autre que formelle n’était possible. Rien n’y fit. Je n’évoquerai pas la surdité managériale à tout ce qui est clinique. Nous ne parlons décidément pas le même langage. Le cadre-supérieur, pourtant membre de la C.N.I [8] et auteur d’articles sur la clinique infirmière en psychiatrie, ne chercha pas à les défendre, bien au contraire. Le directeur leur annonça qu’elles seraient sanctionnées : avertissement ou blâme. Ce fut un blâme. Ils jouaient tous sur du velours. Avertissement et blâme sont les seules sanctions qui sont à la discrétion du directeur. Pas besoin de réunir un conseil de discipline où les sanctionnées pourraient faire entendre leur vérité, pas d’avocats. Les droits de la défense, lesquels ? Qui ira saisir le Tribunal Administratif pour obtenir gain de cause ?
Désireuses de ne pas jeter d’huile sur le feu, Agathe et Blandine demandèrent que le texte de leur intervention ne soit pas publié dans les Actes des Rencontres. Les membres de l’association cultuelle respectèrent leur demande. Quelques jours avant les Rencontres 2017, la présidente de l’association recevait un courrier de M. Grande, le directeur du C.H. Monbranin, lui intimant l’ordre de ne pas publier ce texte. Le message, lu en plénière, suscita un tollé qui dépassa largement le contexte d’un petit établissement de province. Le cd où ils furent enregistrés pour être distribué à l’ensemble des participants avec l’ensemble des interventions à ces Rencontres ne fut, lui, pas censuré.
Identification projective ?
Cette histoire de soin peut s’appréhender à partir de différentes grilles de lecture. Une analyse politique pourrait être tout à fait pertinente. Il s’agit de condamner les soignants au silence. Que rien de ce qui se passe réellement dans nos institutions ne puisse être communiqué à l’extérieur. La seule évaluation légitime est celle qui passe par les chiffres, par la certification, par les normes. Tout autre discours, surtout s’il donne sa part à la subjectivité, doit être impitoyablement rejeté et sanctionné. La hiérarchie s’est mobilisée pour faire taire ces soignantes qui persistent à soigner, à prendre en compte la singularité, la leur et celle de Pascale.
Ces sanctions se doublent d’un pied de nez à la prévention des risques psychosociaux. Le cadre « harcelant » est protégé par ceux-là même qui devraient lui poser des limites, par ceux dont la mission est de protéger les soignants de toute forme de harcèlement. L’équipe soignante en est dévastée. Les arrêts-maladie se multiplient. Peu importe. Que ces sanctions servent d’exemple ! Et que les pyromanes deviennent pompiers ! Ainsi que l’écrit R. Gori, la pensée doit être réduite à des traits formels. Les professionnels de santé sont contraints à ne s’exprimer « que dans le langage de l’idéologie dominante, dans les formes normalisées et standardisées du « système technicien ».[9] Agathe et Blandine habitent le langage de façon à y faire vivre la portée réelle de ce qu’elles ont vécu avec Pascale, elles doivent donc en être sanctionnées. Elles n’ont pas cédé sur leur droit à la narration.
Résister par le récit, c'est retrouver le goût de cette épopée que la logique d'information élimine, c'est tenter d’« échapper au trauma de la réification auquel incite notre civilisation »[10]
Ce parcours m’apparaît singulier parce qu’il ne s’agissait pas seulement de recentrer des soignantes qui aurait dépassé leur rôle. Un chef de pôle et un cadre-supérieur sont parfaitement compétents pour cela. La jouissance avait sa part dans ce règlement de compte. L’atmosphère du tribunal (que je n’ose nommer du délire flagrant) était telle que j’ai associé avec l’histoire de Pascale. Lorsque je l’ai rencontrée, par hasard, à la terrasse d’un bistrot, Pascale faisait la manche. Ignorant qui elle était, je lui ai proposé un café et une cigarette. Infirmier psy un jour, infirmier psy toujours. Elle a voulu, je suppose, m’expliquer qu’elle n’était pas le genre de personnes qui fait la manche. Elle m’a raconté quelques bribes de sa vie. Son dedans était dehors. Mes collègues ont évoqué les violences subies par Pascale, elles ne les ont pas vraiment décrites. Il est vrai qu’elles sont difficiles à dire, qu’elles sont difficiles à entendre. Ses affects étaient soigneusement tenus à distance. Des faits, de purs faits, comme des objets dépourvus de sens, comme si elle n’était pas concernée. Des faits qui médusent tellement celui qui les écoute qu’il apparaît difficile de ne pas vouloir se boucher ses oreilles psychiques, de reformuler quoi que ce soit. Et pourtant ce serait à ce prix que Pascale pourrait exister autrement que comme un déchet qui traite et retraite inlassablement les déchets.
Pascale, enfant, était l’objet de sa famille. Pas Cendrillon, non. L’objet sexuel de sa famille. Elle était régulièrement violée par son père. Ses frères prenaient le relais, à moins qu’ils ne lui succèdent. Elle était agressée verbalement par sa mère qui fermait les yeux sur les violences des hommes de la famille. Pascale était la bonne à tout faire, la souillon de service, un déchet dont chacun pouvait user et abuser comme il l’entendait. Elle crut échapper à son environnement familial en se mariant mais comme il se doit, en tout cas comme ça se rencontre souvent, elle tomba sur un pervers à la hauteur de sa famille. Il en fit sa chose et ne lui épargna aucune avanie. Si elle finit par en divorcer, elle ne put porter plainte ni contre sa famille, ni contre son mari.
Le viol constitue un crime. Pascale a été torturée sans que nul ne s’en soucie. Faute de la reconnaissance de victime, elle peut considérer que ce qu’elle a subi est normal. Pascale s’est levée brusquement et est repartie vers son errance me laissant en prise avec mes questions.
Plutôt que de blâmer infirmière et éducatrice, les cadres, cadres-supérieurs, directeur des soins, et directeur d’établissement aurait pu soulever ce point autrement plus préoccupant et grave que d’intervenir sans autorisation lors d’un congrès de soignants. Par leur attitude, ils se font complices d’un crime. L’hôpital de Monbranin, par l’attitude de ses représentants légaux, a couvert ce qu’il n’est pas possible de nommer autrement que crime. La perte de chance pour Pascale est ici évidente.
Bien sûr, ça n’explique rien. Ça décrit un contexte. Le syndrome de Diogène, ces objets accumulés mais désinvestis, ces bestioles qui grouillent ne sont-ils que le reflet d’un monde intérieur dévasté ? Comment survivre à de telles violences ? Comment trouver un sens au monde ? En portant plainte ? Mais comment le faire si rien n’est jamais abordé ? Si les soignants ne peuvent mettre de mots sur cet éprouvé traumatisant ? S’ils ne font pas l’éprouvant travail d’accompagnement qu’une plainte éventuelle impliquerait ? Il vaut mieux se réfugier dans le non-sens.
Le syndrome de Diogène est pour Pascale, une réponse possible qui rend le monde habitable. Ce n’est pas à Monbranin qu’on dénoncera un quelconque porc. Il faudrait, pour cela, frapper au plus haut niveau. Comment une équipe suffisamment empathique, comment une équipe prise dans son contre-transfert, comment une équipe colonisée par l’identification projective peut-elle élaborer une réponse à cette horreur ? Ce n’est sûrement pas en étant persécutée par une administration qui ignore tout du soin et se comporte, toute proportion gardée, avec les soignants comme les parents de Pascale et son mari se comportèrent avec elle. Agathe et Blandine ont été mises en position d’objets. Elles ont été considérées comme des merdes. Elles en sont encore marquées. Elles s’identifient même à l’agresseur, reprenant en boucle les propos du directeur. Elles ont sûrement commis une erreur en faisant circuler leur texte, elles ont sûrement provoqué leurs collègues. Est-ce une raison pour les maltraiter ainsi et les sanctionner ? L’auraient-elles été autant si elles avaient attaché un patient ? Le même directeur qui traque ce que l’on dit de SON établissement est-il aussi vigilant concernant la contention qui y sévit ?
Agathe et Blandine ont changé d’établissement et de profession. Elles sont beaucoup plus heureuses professionnellement. Le CH Monbranin perd ses soignants (infirmiers et médecins), rencontre mille difficultés pour en recruter. Le poisson pourrit toujours par la tête.
Pascale est hospitalisée mais elle continue à occuper l’esprit des soignants qui se vivent toujours comme des déchets. Le texte que je vous soumets est une tentative pour remettre de la pensée et un semblant de sens à ce parcours. Agathe et Blandine ne souhaitaient pas que ce texte soit publié. Je le prends donc à mon compte. Il est des exactions qui ne doivent pas rester silencieuses. La clinique est à ce prix et je suis du côté de la clinique. Je préviens ceux qui voudraient m’attaquer que je ne m’appelle ni Pascale, ni Agathe, ni Blandine et que je ne me laisserai pas faire.
Dominique Friard, Ecrivain, Lanceur d’alerte.
Bibliographie
DOUGLAS (M), De la souillure. Essai sur les notions de pollution et de tabou. La découverte, Poche, Paris, 2001.
FABRE (J-H), Souvenirs entomologiques : étude sur l'instinct et les mœurs des insectes, Tomes 1 et 2. Éd. Robert Laffont, coll. Bouquins, 2000.
FUSTIER (P), Le travail d’équipe en institution. Clinique de l’institution médico-sociale et psychiatrique. Dunod, Paris, 1999, p. 75.
GORI (R), La dignité de penser, Les liens qui libèrent, Paris, 2011
KAES (R), Le groupe comme appareil de transformation, in Revue de psychanalyse de groupe, n° 5-6, 1986, pp. 92-100,
KRISTEVA (J), Pouvoirs de l’horreur, Seuil, col. Point essai n° 152, Paris, 1983.
RACAMIER (P.C.), Omnipotence inanitaire, omnipotence créatrice, in Les schizophrènes, pp. 87-96, Petite Bibliothèque Payot, Paris, 1980.
[1] FABRE (J-H), Souvenirs entomologiques : étude sur l'instinct et les mœurs des insectes, Tomes 1 et 2. Éd. Robert Laffont, coll. Bouquins, 2000.
[2] Microcosmos : Le peuple de l’herbe, NURIDSANY (C), PERENNOU (M), Documentaire, 1996.
[3] C’est pour cette raison que j’ai poussé le bouchon jusqu’au bousier, mais on verra que l’équipe soignante est, elle aussi, d’une certaine façon un bousier.
[4] RACAMIER (P.C.), « Omnipotence inanitaire, omnipotence créatrice », in Les schizophrènes, pp. 87-96, Petite Bibliothèque Payot, Paris, 1980.
[5] RACAMIER (P.C.), Omnipotence inanitaire, omnipotence créatrice, op. cit.
[6] KAES (R), Le groupe comme appareil de transformation, in Revue de psychanalyse de groupe, n° 5-6, 1986, pp. 92-100
[7] Serpsy, Soins Etudes et Recherche en PSYchiatrie. L’association se veut, entre autres, un espace de réflexion clinique dans lequel des équipes ou des soignants en difficulté puissent venir poser des situations d’impasse et les penser à partir des réflexions, à distance, de collègues de toutes professions du soin. Il est possible de venir les exposer lors des réunions mensuelles mais également via Internet.
[8] C.N.I. Coordination Nationale Infirmière
[9] GORI (R), La dignité de penser, Les liens qui libèrent, Paris, 2011, p. 47.
[10] Ibid., p. 146.
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