Le secteur psychiatrique en France
Le secteur psychiatrique en France (IX)
A la Libération, nous avons vu que les psychiatres hospitaliers, dans un grand mouvement à la fois généreux et novateur, en viennent à concevoir autrement la politique de santé mentale. Ils pensent de plus en plus qu'il faut éviter les hospitalisations chronicisantes, privilégier la prophylaxie, le suivi ambulatoire et la réinsertion socioprofessionnelle. A l'occasion des Journées psychiatriques de 1945, ils affirment l'unité des notions de prévention, prophylaxie, cure et postcure.
C'est par la circulaire du 15 mars 1960 que le secteur psychiatrique est instauré. L'établissement psychiatrique doit desservir désormais une aire géographique bien délimitée et proportionnée à son importance appelée « secteur.» A chaque secteur correspond dorénavant un service déterminé et réciproquement. Ce service hospitalier est tenu de fonctionner en étroite liaison avec les structures extrahospitalières. La circulaire de 1960 détermine ces structures : le dispensaire d'hygiène mentale (CMP), l'hôpital de jour, le foyer de postcure, et l'atelier protégé.
La même équipe pluridisciplinaire doit assurer le travail extra et intra hospitalier et être en étroite relation avec les hôpitaux généraux, les cliniques privées, les médecins généralistes, etc. A cet effet, chaque département est chargé d'élaborer un programme d'organisation et d'équipement afin de créer un dispositif plus efficace et mieux adapté contre les maladies mentales.
Les buts à atteindre sont clairement définis : entreprendre les soins au stade le plus précoce ; assurer une postcure médico-sociale évitant les récidives ; éviter la désadaptation qu'entraîne l'éloignement du malade de son milieu naturel, en faisant que tous les établissements ou services soient facilement accessibles ; éviter l'hospitalisation ou la réduire au minimum indispensable ; supprimer des lits d'hospitalisation en tenant compte des organismes extrahospitaliers existant.
De très nombreux textes sont ensuite venus compléter cette circulaire. Mais ce n'est qu'à partir des années 70 que le secteur s'est véritablement mis en place avec des inégalités très importantes d'un département à l'autre, et même d'un secteur à l'autre. Cette circulaire est même restée lettre morte dans de très nombreux secteurs pour l'essentiel du soin extrahospitalier.
La mixité n'est introduite qu'à partir de 1969. En 1969, toujours, une circulaire définit l'infirmier de secteur psychiatrique. La circulaire du 16 janvier 1969 divisera officiellement chaque département en aires géographiques bien délimitées appelées secteurs. Le secteur proprement dit comprend une population de 67 000 habitants et 3 lits d'hospitalisations pour 1000 habitants.
En 1972, une circulaire instaure les conseils de santé mentale de secteur, dans le but d'évaluer les besoins et les ressources, ainsi que d'organiser la prévention, l'éducation et la recherche. Ce texte comme beaucoup d'autres en psychiatrie restera pratiquement lettre morte, mais des conseils nouvelle formule seront créés en 1986.
Jusqu'en 1985, le secteur avait une existence réglementaire ne reposant que sur des circulaires et des arrêtés ministériels. La loi du 25 juillet 1985, portant diverses dispositions d'ordre social, est venue lui donner une assise législative en son article 8. Cette loi dispose que la lutte contre les maladies mentales s'exerce dans le cadre de circonscriptions géographiques appelées secteurs psychiatriques. La loi du 31 décembre 1985 est consacrée entièrement à la sectorisation psychiatrique. Elle introduit les secteurs dans la carte sanitaire. Elle stipule également que chaque département n'est plus tenu de disposer d'un établissement destiné aux aliénés, mais seulement d'assurer les soins aux malades mentaux dans un ou plusieurs établissements assurant le service public hospitalier. Le décret du 14 mars 1986 institue trois types de secteurs : les secteurs de psychiatrie générale pour les personnes âgées de plus de 16 ans, les secteurs de psychiatrie infanto-juvéniles pour les enfants et adolescents, les secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire. Ce texte attribue aux établissements hospitaliers de service public, auxquels sont rattachés un ou plusieurs secteurs la responsabilité de lutter contre les maladies mentales dans ce ou ces secteurs.
La prévention, le diagnostic et les soins sont assurés notamment: dans les services spécialisés, comportant ou non des possibilités d'hébergement ; à la résidence des patients ; dans les établissements sanitaires, sociaux ou médico-sociaux, par des séjours thérapeutiques temporaires; par des actions d'information auprès de la population et des professionnels concernés.
L'arrêté du 14 mars 1986 prévu par le texte précédent énumère et définit les équipements et services de lutte contre les maladies mentales. Ce sont les Centres médico-psychologiques (C.M.P.), les Centres d'Accueil Permanents et les Centres de Crise habilités à répondre à l'urgence psychiatrique vingt-quatre heures sur vingt-quatre ; les hôpitaux de jour et les hôpitaux de nuit; les ateliers thérapeutiques réalisant des groupes d'ergothérapie ; les services d'hospitalisation à domicile et de placement familial thérapeutique ; les centres de postcure et les appartements thérapeutiques ; les unités d'hospitalisation à temps complet.
Présenté de cette façon, le secteur apparaît comme très administratif. Pour le dire simplement, le secteur psychiatrique c’est l’outil et l’organisation qui permet à chacun d’être soigné au plus près de chez lui avant que la sévérité des troubles n’obligent à une hospitalisation éventuellement sous contrainte. C’est une pratique de proximité balayée par la loi HPST et la création des pôles puis par les Groupes Hospitaliers de Territoire qui répondent en réalité à une toute autre logique. Le secteur est centrifuge, le pôle est centripète. Et c’est pour ça que le nombre d’hospitalisations sous contrainte explose.
Dominique Friard
Date de dernière mise à jour : 07/11/2020
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